Voyage Dordogne – Jour un

Voyage Dordogne – Jour un

22 décembre 2020 0 Par Amaury

Samedi 22 août 2020

Départ… dans le garage. Qui dit nouveau vélo, dit petite adaptation de la mécanique avant tout démarrage, cela se passe le jour du lancement.

Chancelade – préparation du vélo

Malgré quelques incertitudes techniques au niveau du vélo, je souhaite tout de même me lancer dans l’aventure, sans pour autant croire à sa parfaite réussite. J’ai à nouveau ce sentiment désagréable qui me laisse penser que ce projet est une mauvaise idée. Semblable aux préambules de mes précédents voyages en auto-stop, je me rassure pourtant dans l’idée que ces derniers se sont bien terminés et furent même des réussites.

Je démarre mon périple dès la capitale de Périgueux, en longeant une première voie verte aux abords du cours d’eau l’Isle. C’est un démarrage en douceur sur des pistes cyclables sans dénivelé, je ne découvre pour le moment pas la réelle topographie du Périgord qui se profile dans les prochains kilomètres.

Périgueux – premier kilomètre à vélo

Un mélange d’émotion me travaille, entre sensation de sérénité d’être enfin sur la route, ainsi qu’une certaine anxiété de ne pas anticiper les prochaines difficultés. N’ayant jamais testé ce type de transport, je ne pouvais pas estimer la rapidité de mes déplacements. Je m’étais alors fixé comme objectif une quarantaine de kilomètres par jour, en ayant à l’esprit que ce n’est pas une performance à atteindre, mais un hymne à suivre le temps présent.

Périgueux – section de la voie verte longeant l’Isle

Les kilomètres défilaient aisément, plus que ce que j’avais pu imaginer. J’espérais ainsi arriver à la ferme familiale dès le premier soir, contrairement aux deux jours que je m’étais initialement alloué. Cette réflexion était idéalisée lorsque que je débutais sur la voie cyclable, tant que le vélo roulait correctement. Il est tout de même saisissant de circuler de manière limpide avec 22kg d’équipements avec soi. Seulement lorsque cela fonctionne correctement et qu’aucun souci ne se fait ressentir, par exemple des accoues insistants de la roue arrière dû à un défectueux montage du pneu ? Même pas 5km que je devais déjà me mettre de côté et sortir le matériel de réparation.. Heureusement, une cycliste est venue s’apitoyer sur mon sort en me proposant ses outils plus performants que les miens. J’ai ainsi pu regonfler correctement la roue, sans pour autant pouvoir la réparer totalement.

Direction Périgueux mais déjà en sens inverse. Je devais en effet m’assurer d’avoir les équipements de secours pour le reste du parcours. Pas de pneu pour autant, ceux-ci n’étant pas pliables, je ne pouvais pas le stocker dans mes affaires. On compte alors sur la qualité du matériel qui semble, malgré quelques défauts, très robuste.

Retour sur le chemin initial, je quitte la piste cyclable et commence à m’enfoncer dans la campagne profonde du Périgord. Débute alors l’isolement, en plus de la topographie vallonnée des chaines semi-montagneuses du Périgord. Les premiers efforts se font alors ressentir, à gravir successivement des cols avec un chargement conséquent, mais la qualité du vélo me permet d’optimiser les efforts à chaque coup de pédale.

Rapidement, je retrouve des lieux-dits qui disposent de l’architecture typique des fermes périgourdines, aux toits pentus et murs façonnés de pierres calcaires blanches, taillées à la main et empilées les une sur les autres. Les résidences sont éclairées par les faibles lueurs du soleil perforant les larges feuilles des noyers qui délimitent et dissimulent d’un air intimiste ces anciennes battisses. Les rues sont étroites et désertes, à l’exception des nombreux passages de chats errants, bordées par des trottoirs composés d’une couche de fines pierres calcaires d’un jaune contrasté, en plus des nombreux massifs fleuries accolés aux maisons.

Avec une avancée rapide et limpide, je conçois que j’arriverai le soir même au Mérigot, lieux-dit de la ferme familiale. J’en profite alors pour contacter les nouveaux propriétaires des lieux, qui n’avaient pas connaissance de mon projet, mais dont le contact m’a été transmis par mon tonton. Tout en me présentant, j’expose mon idée de voyage et leur propose de les rencontrer le soir même pour retrouver la ferme et découvrir leurs projets de réhabilitation de la ferme. Ces derniers, surpris devant une telle demande, m’accueilleront avec plaisir pour la soirée.

J’avance et commence à reconnaitre certains lieux, des villages un peu perdus que j’avais autrefois l’habitude de découvrir lors de sorties à vélo. Les villages, ou plutôt lieu-dits, sont espacés de quelques kilomètres, mais jamais très loin les uns des autres. La population y est globalement éparse, la majorité se concentrant sur certains bourgs. Le paysage est composé principalement de nombreuses petites aires de prairies espacées par les larges forêts de feuillus, notamment des tristes chênes rabougris par les terres pauvres du territoire.

Gabillou – L’architecture à base de pierres calcaires

Peu de richesse s’y trouve, la population est davantage modeste qu’aisée, malgré le tourisme et l’installation en vogue d’Hollandais et Allemands dans le secteur. La vie fluctue selon les saisons et peu selon les flux boursiers.

Gabillou – Cimetière où reposent mes Grand-Parents

Je poursuis mon chemin en retrouvant des paysages familiers, sans pour autant être certain de ma localisation, je me doute être sur une route longuement convoitée durant mes précédents séjours, et ce n’est pas un hasard car j’arrive tout droit au croisement de la maison de mes grand-parents! Nullement anticipé et largement dans les temps, je me permets d’allonger le parcours pour bifurquer à la ferme d’Anserine à quelques kilomètres. Avec mes parents, nous avions l’habitude de récupérer nos produits du terroir, foie gras et terrines de canard, chez cet artisan qui élève et transforme ses propres produits. Arrivé sur site, je discutais avec le producteur qui, d’un air hésitant, reconnaissait sur mon visage les traits de mes parents. Je récupère ainsi deux terrines pour mes hôtes de ce soir, en espérant faire un apéritif avec les produits sous ma main, voir même de les faire fondre sur des patates grillées noyées de graisses de canard .. un régal rien que d’y penser !

Gabillou – La Ferme d’Anserine

Je retrouve ensuite la ferme de mes grand-parents. Je m’approche de ce portail inhabituellement fermé et sonne à la large cloche faisant résonner ses percussions dans les prairies environnantes. Curieusement, c’est un chien qui me répond, qui accourt vers moi pour découvrir un des rares étrangers dans ce secteur et saute partout pour jouer à mes côtés. Vient ensuite le propriétaire, j’avais le cliché d’un retraité serein à vivre ses dernières années dans la quiétude, c’est au contraire une personne dynamique et dotée d’une grande vitalité qui me souhaite la bienvenue et m’accueille en son lieu.

Les Mérigots – Ferme de des grands-parents

Il m’invite à le suivre et à me faire la visite de ses grands projets de réaménagement de la ferme. D’un coup, je perdis mes repères, j’étais légèrement confus dans cet environnement mélangeant nostalgie et découverte, une déception intense de ne plus percevoir l’environnement familial, mais un léger apaisement d’observer la remise au gout de ce lieu qui permettra l’écriture d’une nouvelle histoire. Cet endroit, j’en suis sûr, sera à nouveau un lien pour de nouvelles générations et c’est bien ça qui me rend le plus heureux.

Les Mérigots – Les prénoms des membres de la famille gravés dans les joints du mur
Les Mérigots – Vue sur les prairies et la truffière
Les Mérigots – Vue d’ensemble sur la ferme

Je poursuis ma visite et découvre que les résidents vivent davantage à l’extérieur, encore dans un petit camping car le temps d’avancer dans les travaux de la maison. Ce sera alors un repas en extérieur, accompagné d’une douche aménagée à l’improviste dans un des nombreux coins reculés de la ferme, avec un tuyau d’arrosage comme douchette. J’apprécie ce mode de vie temporaire qui permet de profiter d’un confort simple tout en cohabitant avec la nature environnante. Je dormirai de mon côté à la belle étoile, devant la maisonnette, petite bâtisse externe à la ferme et aménagée par ma famille.

Il est curieux de penser pouvoir dormir sans crainte, devant sa propre maison, littéralement dans la rue.

J’ai opté dans ce voyage pour le repos en hamac. Facile à transporter et à monter, le hamac permet de se poser rapidement sans craindre un sol accidenté. Il faut cependant accepter de dormir seulement sur le dos, la tension du hamac ne permet pas de se mettre dans toutes les positions. On ressent un sentiment de béatitude à être allongé le regard vers les étoiles, tout en ayant cette sensation de flottement et de légèreté avec les petits mouvements naturels de balance.

Les Mérigots – Installation du bivouac devant la maisonnette

L’éreintement de cette longue journée permet aussi de s’y ancrer plus facilement, cloitré par les extrémités tendues sous l’effet du poids, on se croirait dans un petit cocon à l’abri des soucis du monde, surtout dans un tel havre de paix.

La nuit sera mouvementé par le silence de la campagne, par les quelques cris des chouettes et par un ciel contrastant son noir profond aux nombreuses étoiles lumineuses.

Itinéraire du premier jour