Voyage Dordogne – Jour neuf

Voyage Dordogne – Jour neuf

17 avril 2021 0 Par Amaury

Dimanche 30 août 2020

Éveil solennel et silencieux, tel le début d’une journée de repos suite à une longue semaine de labeur.

Je sors de mon lit, avec la nette impression que je suis le seul actif du lieu en cette matinée.

Je sors de ma chambre doucement, évitant tout bruit superflu afin de ne pas déranger le sommeil de mon hôte. Cependant, celui-ci était déjà prêt à partir courir le long des berges de la dordogne, et s’empressait de m’inviter à me servir dans le buffet matinal.

Je ne tardais pas à partir à ses côtés, mais avec mon vélo. Mon objectif du jour manquait d’ambition, je n’avais à l’origine qu’une voie rapide pour me retrouver dans la vallée de l’Isle, qui me permettrait par la suite de rejoindre rapidement et simplement la commune de Périgueux, le long de la voie verte de l’Isle, sonnant la fin de ce périple.

Dernière vue sur la dordogne depuis Bergerac

Le GPS me proposait trois itinéraires différents depuis Bergerac, deux en passant par les petites bourgades dans le massif vallonné, et une par la voie rapide pour arriver à Mussidan. Manquant de motivation pour gravir des montagnes, je me dirigeais vers la voie rapide pour réduire les efforts.

Je constatais dès les premiers kilomètres que ce n’était pas la meilleure idée d’utiliser cette piste, puisque cette voie rapide accueille uniquement des véhicules motorisés sur une bande parfois large de 4 voies, faisant défiler ces engins à plus de 90km/h, au droit de ma piste cyclable qui semblait davantage être la bande d’arrêt d’urgence ! Malgré tout, j’observais que la topographie du terrain était déjà quelque peu vallonnée sur cet itinéraire, je n’osais pas imaginer les autres chemins que j’aurais pu prendre.

Ce fut l’une des routes les plus démoralisantes, me poussant à reproduire maintes et maintes fois les mêmes déclivités successives, sous l’exposition du vent et sous le regard bref des engins défilants à toute vitesse à mes côtés. C’était finalement avec le cerveau livide que j’arrivais enfin à Mussidan, suite à 1h30 de pédalage infernal.

Vue typique de la D709 – Source google maps

Sans faire attention à l’attractivité de la commune, je souhaitais seulement y récupérer de la motivation et reprendre la route par la suite. Cette escale sonnait comme la 9ème étape de mon programme, et j’avais encore toute une après-midi à ma disponibilité. Lors de ma collation, et par ennui, je cherchais un objectif légèrement plus ambitieux pour compléter ma journée et la rendre plus intéressante. Je décidais donc de me diriger vers Ribérac, plus au Nord et créant un détour avant mon étape finale, Périgueux.

Cependant, pour arriver à cet objectif je devais poursuivre le même itinéraire via la voie rapide, et c’est sans surprise que je me retrouvais à continuer ma route sur la même topographie que le matin même. À un détail près que la circulation se faisait bien moins présente. Mon corps, exacerbé de reproduire la même peine, décida dans un élan de monotonie, de stimuler mes efforts me permettant de progresser à une allure expéditif. J’assurais ainsi la longue ascension à travers les vallons, avec mes 22kg de matériel, à un régime soutenu sous l’effet des engrenages les plus exigeants du vélo.

Connecté au vélo, j’avais une aisance remarquable à réaliser les ascensions successives, dans une sorte de méditation active. Je prenais alors conscience du remarquable entrainement que mon corps à subi durant ces neuf derniers jours. Tout les muscles du corps étaient impliqués, des jambes évidemment jusqu’aux bras calibrant la charge sur les roues avant, en passant par le dos qui devient alors la structure de maintien et de compensation des différentes forces et mouvements entrainés.

J’arrivais alors rapidement dans la petite commune de Ribérac, éloignée des sentiers touristiques mais qui possède son proche charme à s’isoler dans un discret fond de vallée. J’avais encore un brin d’avance sur mes objectifs, je souhaitais ainsi prolonger la route et visualiser dans le même temps les quelques coins que je pouvais espérer utiliser pour mon dernier bivouac.

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Centre de Ribérac – source commune.com

Je récupérais la route longeant la Dronne, cours d’eau formant cette sobre vallée riche en exploitation agricole, pour visualiser au loin les secteurs isolés des activités humaines. Le dénivelé y était très faible, et me permettait alors de récupérer mon énergie progressivement, alors que je déjà ressentais l’usure des intenses et continus efforts de cette journée. Il me faudra tout de même quelques kilomètres pour repérer un endroit intéressant, se situant en pleine commune de Tocane-Saint-Apre. Depuis la vue aérienne du GPS, on pouvait observer des prairies aux bords de plusieurs bras de la Dronne, offrant un cadre riche pour réaliser un bivouac.

Cependant, c’est avec une légère frustration que je découvrais sur site que ce lieu était partie prenante du camping communal. J’avais tout de même la possibilité d’entrer dans les lieux, parmi les diverses activités qui se présentaient aux habitants, entre terrains de foot, terrains de tennis, aires de jeu, petite plage improvisée et le camping. Ce dernier accueillait justement seulement des véhicules dans des espaces légèrement fermés par la végétation, et l’aire des emplacement longeait le cours d’eau en laissant une large bande enherbée et une belle ripisylve pour y poser un hamac.

Vue aérienne du lieu de bivouac – Tocane-Saint-Apre

À peine 18h que j’étais déjà prêt à installer mon campement, mais je préférais me poser tranquillement dans l’herbe sous les playlists inspirantes de Bon Entendeur. Je souhaitais surtout me fondre dans le décors et ne pas alerter les éventuels agents du camping. Je n’avais pourtant pour compagnie seulement deux véhicules de camping stationnés discrètement dans les emplacements dédiés.

19h, le temps passe et la lumière se ternie. La fin de l’été se fait ressentir sous l’influence nostalgique des derniers jours avant les prémices de l’hiver. Confiant du lieu et de ma discrétion, j’installais pour la dernière fois de mon voyage mon bivouac, au bord de l’eau et d’une petite plage de gravier. L’endroit était bien dégagé, à la fois espacé pour laisser place aux lueurs d’un soir d’été et à la fois fermé des regards indiscrets.

Sous les coups de 20h, je préparais le repas, riche en fibre et protéine, en profitant encore du temps qui passait lentement et qui semblait s’éterniser. Là où l’on pourrait mourir d’ennui à rester au beau fixe, je savourais chaque seconde passée, heureux d’avoir imaginé, préparé et accompli un tel voyage. Je me sentais maintenant à l’aise en entendant les derniers chants d’oiseaux, je pouvais ainsi m’installer dans le hamac, et fermer la moustiquaire dès que l’obscurité était totale.

Ma dernière nuit, et je dormais dans un camping, ce que je m’interdisais pourtant au début. Bien que ce soit un peu différent ici puisque je ne profite d’aucun de leurs avantages, mais c’était surtout le côté sauvage et naturel que je recherchais pour ces bivouacs. Objectif légèrement ambitieux puisque toute l’activité humaine se concentre au bords des cours d’eau, de l’agriculture au tourisme, les espaces naturels sont rares et généralement protégés, ce que je ne cherche pas à endommager davantage. Évacuant mes incertitudes éprouvées tout au long de la route, je n’avais en tête plus que les 20 derniers kilomètres à parcourir le lendemain.

Ce n’est plus tant de la fierté que je ressens, mais plutôt de la nostalgie. J’éprouve un sentiment de sécurité et de confort lors de mes bivouacs, que je ne retrouve paradoxalement pas dans ma vie quotidienne. Je ne saurai expliquer la raison exacte, peut-être cela vient du fait d’une incertitude grandissante au fur et à mesure de nos recherches sur un lieu de bivouac, qui nous fait apprécier davantage notre lieu de repos trouvé. Ou bien le fait de pouvoir encore se sentir en sécurité grâce à nos sens instinctifs de survie dans une nature « sauvage », que l’on prend généralement comme des lieux incertains où l’inconnu est potentiellement notre ennemi. Ou encore de se défaire de l’emprise de la pression sociale, de distractions envahissantes dans un environnement de plus en plus restreint et fermé de toute diversité. Je cherche encore ces raisons, qui me poussent à m’initier à de telles aventures encore peu ambitieuses, mais mémorables dans mon parcours.

Itinéraire de la neuvième journée