Voyage Dordogne – Jour trois

Voyage Dordogne – Jour trois

9 février 2021 0 Par Amaury

Lundi 24 août 2020

Bien que le hamac limite les positions, on reste dans notre cocon, où l’on sent le corps qui récupère progressivement de la fatigue. On ressent le sang qui circule dans les bras et les jambes légères à peine éveillées. Une dose d’endorphine des efforts précédents qui nous place dans une totale quiétude, tout en restant perché au dessous du vide dans ce sentiment de flottement.

Les sous-bois et particulièrement la ripisylve sont une source de protection contre la rosée du matin, qui est typiquement présente et dense avec les écarts de température actuels. Cette humidité est une calamité pour les équipements, celle-ci se dépose sur les surfaces et forme des taches de moisissure si elle n’est traitée à temps. Le soleil permet d’évacuer cette humidité, mais cette opération prends du temps et demande de pouvoir étendre les affaires. Le sac de couchage en duvet est particulièrement sensible à ces phénomènes, pouvant perdre son effet isolant sans lequel je risquerais l’hypothermie la nuit.

Soulagé de se rendre compte qu’aucune visite ne s’est fait fortuite cette nuit, je me hâte au bords de l’eau pour profiter du petit déjeuner sous le soleil ascendant. Sous le fracas de la chute d’eau qui était étouffé la nuit par la dense végétation, je suis pris par l’odeur dense et rafraichissante de l’embrun qui se fait sentir à plein nez. Les rayons de soleil traversent cet épais nuage et réchauffe le corps entier. Les sens sont en éveils et l’espoir d’arriver à bout de ce voyage revient immédiatement.

Montignac – Petit déjeuner au bord de La Vézère

Le temps est le maitre-mot, je ressens la quiétude à une forte intensité, ce que cherchait finalement l’Humain depuis son origine, à être prospère de tous ses besoins essentiels. La vie que l’on accepte actuellement nous persuade pourtant que nos besoins sont loin d’être garantis.

Le linge de la veille nettoyé et étendu, je profitais de cet instant privilégié face à l’aube rythmée par l’activité croissante des oiseaux dans le ciel qui lui même se dévoilait peu à peu.

Mon organisme se réglait déjà pour un cycle de nomade, avec ses créneaux de repos et d’efforts alternés. À 10h je me sentais prêt à reprendre la route et rejoindre Tourtoirac, après un rapide détour sur Montignac pour y réaliser mes derniers clichés.

Montignac – Départ de la troisième journée

La route se fait silencieuse, je profite de chemins lisses et dégagés en suivant le parcours de la Vézère située en fond de vallée. Cependant, la commune de Tourtoirac est connue pour son architecture massive due à ses maisons et à ses édifices suspendus dans la roche. Pour retrouver un panorama, il fallait alors grimper ces chemins avec beaucoup de peines, mais avec une grande satisfaction de se mettre face à ses limites.

Je poursuis le voyage en début d’après-midi sous un soleil écrasant, au bord d’une belle route départementale où convois de camions et ballets de voitures se font de plus en plus ressentir. Peu pittoresque, cette voie me mènera rapidement et sans usure jusqu’à Brive-la-Gaillarde, commune pour laquelle je n’ai porté que très peu d’intérêt et même pas une photo! Je n’y resterai finalement que pour faire un point sur mon avancement et fixer mon objectif en cette fin de troisième journée.

Mon étape du jour devait se finir à Collonge-la-rouge, où j’ai réalisé quelques demandes d’hébergement sur Couchsurfing. Il est tout de même rare de recevoir des réponses positives sur un délai si restreint, je tentais tout de même de faire les demandes le plus tôt possible mais je ne pouvais pas estimer ma destination finale trop à l’avance. Je ne me faisais pas d’illusions, j’effectuais mes demandes sans compter dessus et prévoyais de m’installer en hamac la nuit. Le couchsurfing a été pour moi plutôt une expérience de rencontre avec les locaux, qu’un moyen de logement.

Je quittais Brive-la-Gaillarde, et disais adieu à cette route si plane et agréable pour me coincer en périphérie de la ville dans une colline environnante. La pente était ardue, mais je continuais à avancer pensant à tort que c’était un raccourci. J’étais dans une voie sans issue, et bien escarpée. C’est dans ces moments que tu espères que la route est cachée entre les deux falaises. L’indication sans-issue étant pourtant un indice plus que révélateur, une voie sans issue pour les voitures évidemment, mais Google Maps ne prends pas en compte l’inclinaison de la route pour les vélos. J’ai bien tenté de prendre de l’élan et de mouliner comme je pouvais. Je mettrais pied à terre cinq mètres plus loin. Obligé de prendre le vélo à deux mains, je devais engager toute ma force sur le guidon en poussant obliquement et en prenant appui sur mes jambes pour éviter qu’à la moindre latence de mes mouvements, le vélo regagne les lois de la gravité et ne m’emporte avec moi.

Ce n’était que le début de longs et éprouvants dénivelés à atteindre. Arrivé à bout de cette colline, j’enchainais ensuite d’autres collines mais cette fois sur une route départementale. Ce fut pourtant la route la plus rapide pour atteindre Collonges-la-rouge, pourtant la cadence des voitures devient un défi psychologique. Comparer leur vitesse sur une telle inclinaison, alors que je pédalais désespérément jusqu’à l’épuisement pour avancer un minimum, rien que pour ne pas reculer. Je me fixe alors des petits objectifs à atteindre, de mètres en mètres qui s’enchainent sans voir la fin.

Il faut dire que le secteur de Collonges-la-Rouge et de Turenne est bien vallonné, c’est cette topographie qui leur ont permis d’être reconnus parmi les plus beaux villages de France, avec des habitations en hauteur et un panorama sur le département de la Corrèze.

Une fois atteint la majorité des sommets sur plus d’une heure d’ascension, une légère et apaisante descente s’offrait à moi. Cependant, ce genre de déclin est généralement un mauvais signe et développe une certaine paranoïa à retrouver la même cote que les chemins précédents. J’avais bien raison, cette route m’amena dans un talweg, coincé entre deux versants à grimper pour enfin arriver à Collonge-la-Rouge.

J’aurai bien tenté quelques mètres d’ascension dans la foulée de mon élan, mais la force et surtout le mental n’y était plus. C’est une rupture physique, en bas du sommet. Rien de plus démotivant que de devoir s’élancer sur une montée anormalement pentue. Une phase de récupération a été nécessaire, avec un ravitaillement que j’engloutirais en espérant un retour de motivation. En vain, pourtant je dois avancer pour espérer dormir ce soir. Pas le choix de se contraindre à se remettre en selle, d’engager ces jambes exténuées par les efforts, d’attacher son casque humide de transpiration, d’attraper le guidon avec des doigts flageolants et d’entamer la première rotation de pédalier d’une longue série fastidieuse.

Que l’on soit clair, à ce moment c’était un mur à escalader, j’ai du tirer dans mes derniers retranchements pour ne pas poser un pied à terre et ne pas abandonner en plein milieu de la route.

Au plus fort de l’ascension, on passait d’une altitude de 200m à 310m sur une distance d’un kilomètre, l’objectif final étant à 5km de route pour 500m de dénivelé !

Avancer, pédaler à un rythme continu, ne pas penser à la fatigue, avaler tous les mètres possibles, chaque coup de pédale est une victoire à ne pas savourer. Tu dois te forcer à penser à l’instant présent, pour ne ressentir l’accomplissement et le relâchement trop rapidement. Dans cette optique, on arrivera à son objectif, peu importe la durée mais on y arrivera. Tu peux encaisser la fatigue, les muscles au maximum de leur capacité répondent toujours et il faut les exploiter tant que possible, l’avancé est lente mais elle existe, il n’est plus nécessaire de penser à son objectif, il faut juste avancer pour espérer quitter cet enfer.

Ton potentiel se découvre véritablement lorsque tu n’as plus le choix, nous restons des animaux dotés d’un instinct de survie qui poussons notre corps au bout de ses retranchements. Les sens sont accrus, le développement musculaire est plus que palpable, la conscience s’évacue progressivement.

Collonges-la-Rouge – La dernière étape

Autant dire que c’était une victoire d’atteindre cette étape, un grand soulagement de poser pied à terre. Mais tout n’était pas fini, il était temps de débuter les recherches du lieu de bivouac. Je ne resterai malheureusement pas à Collonges-la-Rouge longtemps, je partais en rapidement direction d’un plateau en contrebas de la commune pour explorer les lieux. Malheureusement, les cours d’eau ici sont de légers ruisseaux à sec en cette période de forte canicule. Autant dire qu’aucun endroit ne rentrait dans mes critères essentiels pour un bivouac.

Collonges-la-rouge

Collonges-la-Rouge
Collonges-la-Rouge
Saillac – Sous le soleil couchant

Après avoir rejoins la vallée, en contrebas de Collonge-la-Rouge, je me retrouvais dans le petit village de Saillac. Dans l’ombre de la réputation de Collonge, mais sublime par ses habitations en pierres sèches et grandes prairies bordées de noyers Le tout sous les lueurs du soleil qui contrastaient les nuances de couleurs des prairies vertes ainsi que des arbres et arbustes.

Saillac – Bref séchage du linge

Par chance, des WC publics se trouvaient sur ma route et me permettront de me laver au gant de toilette. L’hygiène effectuée, je pouvais poursuivre mon chemin pour trouver un lieu de bivouac avec plus de séreinité. Je m’installerai sous le château de Cavagnac, dans une prairie peu isolée des éventuelles visites, mais je négligeais ce détail au profit d’un lieu plus bucolique.

Rapidement je me coucherai et fermerai les yeux pour me préparer au lendemain.

Cavagnac – Bivouac sous le château

Itinéraire de la troisième journée